lundi 11 avril 2011

Vers un nouvel horizon transfrontalier : de la terre à la lune ?

L'une des quatre assemblées générales décentralisées du Groupement Transfrontalier Européen se tenait vendredi 8 avril 2011 à Archamps.
A cette occasion Bernard ACCOYER et Christian MONTEIL ont pris la parole sur des questions qui tenaillent le contexte transfrontalier.
Tandis que l'allocution tant attendue du Président de l'Assemblée nationale engendrait un fort scepticisme, celle du Président du Conseil général de Haute-Savoie empreinte de volontarisme, ouvrait le chemin.


I- Le Groupement Transfrontalier Européen : soutenir les travailleurs, participer à la création du "Grand Genève"

Vendredi 8 avril 2011 au soir, le Groupement Transfrontalier Européen (GTE) tenait à Archamps l'une de ses quatre assemblées générales annuelles.

Avec près de 32000 membres, le GTE est le principal représentant et défenseur des intérêts des travailleurs transfrontaliers franco-suisses. Au fil des années, cette association s'est imposée comme une redoutable machine de guerre que ne peuvent ignorer les autorités suisses et françaises. Cette avant-garde constitue d'ailleurs la plus importante force de propositions de la "société civile" franco-suisse au sein des différentes assemblées consultatives locales, en charge des questions d'aménagement et de développement territorial.

Au terme du discours de Michel CHARRAT, son président, l'auditeur mesure combien les questions transfrontalières ont, depuis 1963, évoluées sur la forme. Sur le fond, les problèmes d'hier restent pour partie d'actualité.

Sur la forme, le cadre juridique des relations franco-suisses évolue du fait des évolutions législatives de la Confédération helvétique. En conséquence, le GTE doit faire face à de nouvelles manières de « jouer avec la frontière ». En première ligne, il découvre les vides juridiques induits par ces pratiques. Résolue à faire valoir sa "vocation sociale", inlassablement, cette association sensibilise les "faiseurs de lois françaises" pour faire progresser le droit social de notre république.

Sur le fond, sourcilleux avec les principes d'égalité, ses responsables savent rappeler que tous les résidents français sont, en principe, égaux devant la loi et devant l'impôt.

C'est cette petite musique qu'ils ont entonné les années passées au plus haut niveau de l'Etat - à Paris et à Berne - à propos des conditions de l'imposition du rapatriement du deuxième pilier de la retraite des salariés transfrontaliers1. En tant que retraite complémentaire, le GTE a fait valoir que ce capital devait être soumis aux mêmes conditions que les autres types de retraites complémentaires françaises. Par un triste sort, les parlementaires français en ont décidé autrement. Le capital retiré est considéré comme un revenu exceptionnel de l'année fiscale concernée. Dès lors, le travailleur transfrontalier abandonne à l'Etat entre 27 et 38% de sa retraite complémentaire.


II- Paroles et  paroles et paroles : tout ça pour ça !

Face à la grogne des représentants du GTE, le Député-Maire d'Annecy-le-Vieux qui occupe la présidence de l'Assemblée nationale, avait tenu à être présent à cette assemblée générale. Soulignons que son absence un vendredi soir eût été incongrue. L'essentiel du travail parlementaire a lieu en semaine. A l'exception des réunions des partis politiques, rares sont les travaux qui se déroulent le week-end dans les bureaux du Palais Bourbon et de ses annexes. Les parlementaires prennent le chemin de leur circonscription dès le vendredi midi, parfois le jeudi soir.

Prenant la parole, le quatrième personnage de l'Etat évoque la crise de 2008, la dette de l'Etat, une autoroute de la terre à la lune… Son avant-propos laisse les auditeurs perplexes. Médusée, l'assistance se demande si c'est l'impôt des salariés transfrontaliers qui va réduire la dette de la France. Elle se demande pourquoi construire une liaison terre-lune. Il est vrai qu'il aurait été trop simple, pour les écervelés que nous sommes, que l'on nous dise que la dette de l'Etat correspondait à une année et demie du budget de la France (1500 Mds d'euro de dette pour un budget annuel d'environ 1000 Mds d'euro).

Peut-être qu'en nous envoyant sur la lune, pensait-il mettre en application un adage chinois - appris lors des ses déplacements en Chine - qu'il eût mal compris : "Quand le sage désigne la lune, l'idiot regarde le doigt".

De toute évidence, l'exercice introductif avait vocation à replacer les "éléments de langage" des communicants de l'UMP et de l'Elysée. En ce qui le concerne, nous pouvons affirmer que l'occupant de " l'Hôtel de Lassay" maîtrise difficilement ce travail de perroquet.

Plus loin dans son discours, nous avons droit au refrain du dévoué serviteur des travailleurs frontaliers. Y-a-t-il quelque chose d'anormal à ce qu'un Député français fasse son travail de représentant du peuple de Haute-Savoie ? Pendant quelques secondes, l'éminent médecin a frôlé la sortie de route. Plein d'humilité, il nous rappelle qu'il est le père de l'autoroute Genève-Annecy. Il précise que l'accord lui a été donné personnellement par l'actuel Président de la République et ajoute que cela n'a rien coûté à personne, même s'il feint de reconnaître que ce tronçon est onéreux pour l'usager. A cet instant, les participants sont pris d'une terrible émotion. Ils donnent l'impression d'avoir rencontré Dieu. En réalité, nul n'ignore que la concession de la Liaison Annecy Nord Express (LIANE) a été attribuée à une société détenue à 46% par le groupe Bouygues. Nul n'ignore non plus les liens qui unissent le Chef de l'Etat et Martin Bouygues… Soit notre héraut de la soirée a tenté de nous abuser, soit a-t-il été lui-même abusé par les effets d'une bouffée égotique.

Après avoir égrené une somme de banalités affligeantes, l'édile d'Annecy-le-Vieux évoque enfin le sujet qui nous intéresse tous : l'imposition du deuxième pilier.

A cet instant nous comprenons que dans son grand bureau, entouré de ses conseillers, le Président de l'Assemblée nationale est en réalité un roi sans trône et sans pouvoir. Il nous explique que l'amendement qui a été voté lui avait échappé. Voilà un homme qui suit, au plus près, les dossiers qui lui sont confiés. Nous pouvons admettre qu'un souci de communication soit venu parasiter le processus législatif et que l'attention du médecin ou celle de ses collaborateurs aie été détournée. En revanche, comment expliquer que sur 6 députés,2 prétendument fortement sensibilisés et mobilisés par les actions du GTE, pas un seul n'a vu venir le coup ?

A stade, nous pouvons nous demander si la décision législative n'a pas été prise à dessein avec l'accord des élus sus-mentionnés.

L'honneur est sauf nous indique-t-il plus loin. Il a pris rendez-vous le 20 avril 2011 avec le Directeur de cabinet du Ministre des finances et le Président du GTE y est convié. (Il est amusant de découvrir sur le site web du Député TARDY que cette rencontre aura lieu en présence du Ministre en personne...). La foule est en liesse, l'assistance se déchaîne à cette annonce...


III- La réalité des faits :

En réalité, c'est la douche froide. Chacun comprend que le dossier est durablement bloqué. En effet, les responsables de ce ministère ont déjà rencontré les représentants du GTE. Ils avaient, à leur tour, pris des engagements. De toute évidence, ces Français qui travaillent en Suisse sont des moutons qu'il faut tondre. Comment ne pas comprendre que derrière ces fonds de retraite complémentaires se cachent d'autres millions d'euros dissimulés au fisc ? Pourquoi faire des cadeaux à d'honnêtes travailleurs alors que le majorité parlementaire a puni ses propres donateurs occultes, exilés en Suisse ?

Derrière ce discours creux et insipide, l'observateur des questions franco-suisses comprend bien que l'homme fort de la Haute-Savoie aborde la question franco-suisse comme une somme de problèmes. Comment ne pas avoir entendu son couplet sur l'impact de l'attraction genevoise sur le service public hospitalier annécien. Nous pourrions lui rappeler qu'avec la liaison LIANE la situation va empirer.

Nous pourrions également lui indiquer que s'il mettait autant d'énergie à s'impliquer dans ces dossiers politiques majeurs - en lien avec l'aménagement et le développement de la zone frontalière élargie - que celle déployée pour les JO à Annecy, sans doute n'aurait-il pas eu besoin de se déplacer. Son absence aurait été remarquée mais comprise.

Au terme de cette intervention, nous comprenons pourquoi les services centraux du ministère de l'Intérieur et des Affaires étrangères se soucient guère des questions transfrontalières. Tout indique que les revendications et les propositions en la matière sont parasitées par un porte-parole plus prompt à tuer le bébé dans l’œuf qu'à favoriser l'émergence d'un vrai pôle franco-suisse qui reléguerait officiellement Annecy au rang de périphérie de Genève. C'est en ça que les questions de fond restent en suspens depuis bientôt 50 ans. Les élus locaux, honnêtes travailleurs dévoués à la vie de leurs communes ou de leurs cantons, peinent à appréhender la réalité en dehors des contingences du quotidien provoquées par des phénomènes dont l'origine leur échappe. Les dynamiques spatiales constituent l'une des facettes de notre société soumise aux influences de ce que d'aucuns désignent la mondialisation. Répondre aux causes d'un problème engendré par l'agglomération de plus de trois cents communes n'est possible qu'avec un instrument politique adapté, qui dispose de compétences en matière d'aménagement et développement, de moyens humains et financiers. Sous nos yeux se dessine le besoin d'une structure publique transfrontalière.

Ignorer cette nécessité et continuer à jouer "à qui perd gagne" - en préférant les combats "clochemerlesques" - relève de la plus absolue inconséquence. Au-delà de la déperdition de richesses, de la déprédation environnementale et des inégalités territoriales induites par cette attitude bassement politicienne, cette approche rend davantage encore les élus locaux impuissants. Cela contribue à dé-crédibiliser la chose publique et le rôle des responsables politiques. Le "chacun pour soi" engendre un laisser-faire qui nous conduit inéluctablement dans le mur, sous les yeux interloqués de nos interlocuteurs suisses.


IV – Le temps du volontarisme ?

De toute évidence, Christian MONTEIL, Président du Conseil général de Haute-Savoie (CG74) semble partager cette analyse.

Rasséréné par sa reconduite à la tête de l'exécutif départemental, l'élu de Seyssel a tenu un discours simple et concret qui exprime un volontarisme politique conforme aux enjeux transfrontaliers. Osons-nous formuler l'hypothèse que le discours et les idées du nouvel arrivant Avenue d'Albigny, Antoine VIEILLARD, ait été entendu ?

Il est à noter que le dossier transfrontalier a été délégué au premier vice-président du CG74 : Raymond MUDRY.

A propos des « fonds genevois », il a indiqué que le CG74 acceptait de renoncer à en conserver une partie (20% environ), à condition que cela permette de financer des projets d'infrastructures essentiels.

A propos du CEVA, il a rappelé qu'il manquait aujourd'hui 130 millions d'euros pour commencer la tranche française. Il a proposé de financer 50% de ce projet, à condition que les autres partenaires s'engagent à leur tour. Il souhaite dupliquer le schéma proposé pour le désenclavement du Chablais.
Le calcul retenu est assez simple dans la mesure où les fonds genevois pour l'année 2010 s'élèvent à 130 millions d'euros. De manière schématique, on peut considérer qu'il propose aux communes de leur verser le même montant que les années précédentes et de conserver le "surplus" pour l'injecter dans le projet "CEVA". 

De toute évidence, cette tranche pourra-t-elle être financée quasiment sans avoir recours à l'emprunt.

Cette main tendue saura-t-elle retenir l'attention des pouvoirs publics ?

Il est à souhaiter que le nouveau préfet de région fasse preuve d'initiative et ignore les esprits chagrins.

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1
La loi sur la prévoyance professionnelle suisse a institué un dispositif de retraite obligatoire par capitalisation qui vient compléter le système par répartition d'assurance vieillesse.
Lors du retrait de prévoyance professionnelle en espèces, ce capital est soumis à l'impôt en Suisse puis en France. Une fois l'impôt versé aux autorités fiscales françaises, celles de la Suisse remboursent l'impôt qu'elles ont prélevé au départ.

5 députés de la Haute-Savoie :

1 député de l'Ain :

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