mardi 24 mai 2011

La tragédie se finit toujours mal !

Les yeux rivés par-delà l'Atlantique, les grands esprits entendaient leur Messie. Zeus en colère, par ses traits de foudre, éloigna ce Typhon qui devait terrasser le tout-puissant démiurge élyséen. Ils espéraient l'Imam caché, ils attendaient Godot ! Les écrans, haut-parleurs et journaux, dans un concert de larmes, submergeaient le quidam. Une fatalité implacable forcément injuste, forcément inique plaçait notre pays et la famille de la finance mondiale, au cœur d'une tragédie. C'était le chant du cygne.

Ces médecins malgré eux, apothicaires modernes, préparateurs zélés de potions libérales sont devenus sourds aux souffrances de la plèbe. Repliés sur eux-mêmes, leur rang, leurs privilèges ils auscultent leurs entrailles, depuis leur ombilic. La tête basculée vers l'avant, ils ne regardent plus le spectacle du monde. Ils ne peuvent pas voir la tragédie moderne, ils s'en veulent acteurs. Ils préfèrent titiller le cyclope, faire peur et se faire peur. Perdus dans le dédale de leurs ego ils ne distinguent pas ces Sisyphes modernes qui, inlassablement, tentent de s'élever pour découvrir un horizon perdu.

Humbles parmi les humbles, ces modestes se sentent sacrifiés au Minotaure capitaliste. L'héritier de la lignée d'Europe, ce premier enfant de la passion avec le taureau blanc de Wall-street, attend les condamnés malheureux de la dictature des marchés. Apeurés, ils grondent et s'organisent dans la rue tandis que d'autres, par colère, nourrissent l'Hydre de Lerne de leurs bulletins de vote. Enfant incestueux des élites postmodernes ambidextres, ce monstre vipérin a la faculté, tel Kaa, le reptile hypnotiseur du « Livre de la jungle », d'endormir les peuples désorientés. Il offre aux « laisser-pour-compte » la beauté des visages vertueux de ces catins d'antan, ces régulières devenues aristocrates. Aussi venimeuses que pieuses, leur sourire peine à dissimuler les vapeurs pestilentielles de leur passé. Qui veut le tuer par le force périra sous l'effet de ce poison qui fait son sang.

Au-lieu d'invoquer Hercule et Thésée à la fois, les grands esprits continuent à servir Hadès. Les détenteurs de la légitimité populaires préfèrent se diviser pour accroître l'intensité de la tragédie qui fait notre quotidien. Ils feignent de vouloir offrir l'Olympe aux mortels que nous sommes. Ils restent unis derrière le maître des enfers. Leurs esprits damnés ont été placés sous l'autorité des Harpies nouvelles. Celles-ci tendent à imposer un paradigme libéral disent-elles. A condition que cette liberté soit celle des plus forts ? Sous leurs grandes ailes, elles prennent en otage le commun des mortels sous l'autel de l'intérêt supérieur de l'accumulation de richesses entre les mains d'une minorité, pour des siècles et des siècles, sur la terre et au ciel. Là où régnaient des consensus sociaux et politiques pour maintenir une cohésion sociale, elles apportent tempêtes et morts, suicides parfois. Elles pratiquent l'étranglement de nos sociétés avec un lacet. Elles imposent des règles modernes insistent-elles, à visée mondiale soulignent-elles, en fixant du regard l'aristocratie moderne de l'Europe.

Le spectacle devient long. A ce stade, nous pouvons nous demander qui incarnera Pyrrhus. A quel moment, cette tragédie va-t-elle cesser ? Doit-on attendre que l'Hydre de Lerne prenne le pouvoir ? N'est-il pas envisageable une seconde que la scène avec les Harpies soit coupée ? A quel moment les serviteurs d'Hadès vont-ils avoir la lucidité de comprendre que c'est Hercule ou Thésée que les peuples attendent ? Le pire dans cette tragédie tient au fait que jour après jour un nouvel épisode s'écrit, sans que jamais les acteurs comprennent qu'ils en sont les auteurs. Paresse ou incompétence ?